• Taphophilie corse

    Rappelez-vous, c'était hier...

    Taphophilie corse

    Le mausolée de la famille Piccioni près de Pino en Corse contient, entre autres, les cendres fille de Gustave Eiffel, Valentine, mariée aves Camille Piccioni, diplomate et fils d’Antoine Piccioni qui fut maire de Bastia.

    En découvrant la Corse, et plus particulièrement le Nord de l'île dans les environs du Cap Corse, Dudu fut étonné de constater le nombre de tombeaux, pour la plupart luxueux, bâtis, non pas dans des cimetières comme sur le continent, mais au bord des routes à la vue de tout un chacun.

    Pour expliquer cela, il faut remonter au XVIIe et au XIXe siècle.

    La richesse de Pino et  des communes du Cap Corse en ces temps-là s’explique souvent par une forte émigration à Porto Rico et un pouvoir d’achat des Corses américanisés qui, en retour, font construire de grandes maisons toscanes au toit à quatre pentes avec ou sans jardin (on dénombre, à Pino, quatorze palazzi d’Americani) ainsi que des tombeaux majestueux qui font face à la mer.

    Tout comme les palazzi, ces grandes maisons patriciennes, les tombeaux monumentaux construits aux abords des hameaux et face à la mer. Ils sont autant de signes extérieurs de richesse et l’expression d’un lien puissant entre les vivants et les morts.

    Dans tous les villages du Cap Corse, en bordure de route, mais toujours sur des positions en vue, s'élèvent d'imposantes sépultures. Construites par les émigrés capcorsins ou des familles de notables, ces demeures des morts combinent tombeaux et autel pour célébrations ce qui en fait de véritables chapelles funéraires. L'intérieur y est souvent orné de sculptures, de tableaux, de bougeoirs et d’ostensoirs précieux. L’extérieur peut être luxueux avec murs d'enceinte, portails, escaliers et jardins aménagés avec palmiers ou cyprès. Ces constructions rappellent celles des grandes lignées florentines ou romaines. Les familles insulaires viennent s’y recueillir au moins une fois par an, à la Toussaint.

    Taphophilie corse

    Les plus beaux édifices sont à Sisco (tombeau Battistini), Cagnano (Biaggi), mais c’est à Barrettali aux hameaux de Minerviu et Cunchigliu) que les familles ont rivalisé dans la grandeur, mais aussi dans le choix des lieux, face à la mer. L’importance de celle-ci est particulièrement visible à Pino où le tombeau Bartolomei a la forme d'une embarcation surmontée d'ancres sculptées.

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     La dernière demeure vaut une résidence secondaire.

    Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les défunts sont inhumés à l’intérieur des églises, ou des couvents, dans une cave située sous l’autel et dénommée « l’Arca » en Corse. Les corps sont simplement jetés dans cette fosse commune si proche de Dieu, où les ossements des « sgio » (seigneurs féodaux) sont mêlés à ceux des notables, des paysans, des pêcheurs. Pour la population, l’usage de l’arca est plus qu’une habitude, c’est un devoir, une véritable loi sociale car tout défunt enterré dans un cimetière est considéré comme abandonné du Tout-Puissant.

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     L' Arca est une tombe collective, sorte de chambre souterraine voutée à orifice étroit fermé par une dalle de pierre creusée dans le sol de l'édifice religieux. Cette ouverture, suivant les édifices, se trouvait près de l'entrée, de la nef ou encore avait une position centrale.
    Lors des décés, et à la suite du rite funéraire, le corps du défunt basculait dans l'arca par cette ouverture qui était ensuite refermée.

    Au XIX siècle, la Corse étant devenue française, l’état invoqua l’insalubrité comme prétexte pour interdire la pratique de l’arca. Il est vrai que l’ardeur du soleil d’été exacerbait l’odeur des corps en décomposition, ce qui condamnait souvent l’accès à l’église. A partir de cette interdiction, les Corses si attachés à leur traditions durent accomplir ce qu’ils avaient toujours évité de faire, enterrer les leurs dans le cimetière communal.

    Mais tandis que certains transgressaient la loi en allant déterrer leurs morts la nuit pour les inhumer en secret dans l’église, d’autres eurent le réflexe d’offrir comme dernière demeure aux disparus la propriété familiale. De cette époque date le proverbe (en français ) Fais ta tombe  dans ta propriété et tu iras au paradis. Ces bâtisses affirmaient la puissance de ces lignées, et aussi permettaient de rendre les terrains inaliénables. On ne vend pas les morts !, comme dit un proverbe. Visibles ou invisibles, les morts restent parmi nous et leurs tombeaux nous montrent d’où nous venons, quelles sont nos racines. Nous sommes les héritiers d’une histoire et d’une communauté.

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    Merci aux sites destination-cap-corse, locationencorse, hubert35, chtoric67, m.2b-luciani ... pour la documentation et les images.


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