• Dranem au Panthéon

    Il était une fois, autrefois, il y a cent ans, un chanteur... Au fait, peut-on le dire chanteur ? Disons un fantaisiste.
    Comme dit notre ami Wiki : Son répertoire de chansons à l'humour incongru, et souvent scabreux, a fait de lui une des vedettes les plus populaires du café-concert.

    Dranem au Panthéon


    Armand Ménard, dit Dranem (transformation anacyclique de son nom de famille), s'est senti tout jeune une vocation d'artiste. Il débute comme comique troupier, genre très en vogue vers 1895 (déjà évoqué naguère Dranem -----> ici), mais ne convainc ni les spectateurs, ni les directeurs de caf' conc'.

    En 1895, il s'achète une petite veste étriquée, un pantalon trop large et trop court, jaune rayé de vert, d'énormes godasses sans lacets et un petit chapeau bizarre. Les joues et le nez maquillés de rouge, il entre en scène en courant, comme poursuivi. Il s'arrête devant le trou du souffleur et chante les yeux fermés, qu'il n'ouvre que pour simuler la frayeur de débiter pareilles incongruités. C'est un triomphe. Le genre Dranem est né.

    Dranem au Panthéon

    Contrepèterie, calembour, grivoiserie, non-sens, délire. Ne vous étonnez donc pas que Dranem rejoigne dès aujourd'hui le Panthéon duduesque.

    On possède peu de documents filmés des chansons de Dranem. Néanmoins, en 1905, il enregistre douze phonoscènes qui sont les ancètres du scopitone et du clip vidéo.

    Dranem a joué dans de nombreuses opérettes et tourné dans quelques films qui n'ont pas laissé un souvenir impérissable.

    Florilège non-exhaustif des chansons de Dranem
    Cliquez sur l'image pour écouter,
    puis sur le titre en orange pour voir s'afficher
    devant vos yeux ébahis les paroles, toutes d'une haute tenue littéraire, enviées par
    Guillaume Apollinaire, Paul Eluard, Louis Aragon et Jacques Prévert.

    [Remarque : Les paroles disparaissent si vous recliquez dans l'article, mais restent dans une fenêtre à l'arrière-plan.]

    Le trou de mon quai
    Quand ma zézette yoyotte
    Tu sens la menthe
    Quand on n'en a pas
    Les fruits cuits

    La vigne aux moineaux

    J'en suis un

    La raie

    Raymonde

    Henri pourquoi n'aimes-tu
    pas les femmes ?


    Monique

    Ah ! les p'tits pois

    Boris Vian disait de lui “Comment Dranem peut-il avoir le toupet de débiter devant un public hilare les inepties de son répertoire ? La bêtise volontaire poussée à ce point confine au génie."

    Dranem au Panthéon

    A noter aussi que Dranem fut le fondateur de la maison de retraite de Ris-Orangis pour les anciens du spectacle qui existe encore de nos jours.

    Il meurt le 13 octobre 1935, à l'âge de 66 ans, en pleine gloire alors qu'il vient d'être fait officier de la Légion d'honneur. Ultimes volontés : « J'ai toujours fait rigoler mes amis pendant ma vie, je ne veux pas les attrister pendant mes funérailles ». Défense donc de lui rendre visite sur son lit de mort et de suivre ses funérailles.

     

    Un p'tit bonus et un point d'orgue à cet article : un joli exercice de style signé Dranem intitulé Romance subjonctive.



    J'eus jadis une folle maîtresse très forte sur les subjonctifs.
    Comme le sort voulût que nos amours
    se brisassent,
    Il fallait que je composasse cette romance
    Pour que mes larmes se séchassent
    Et que mes sanglots s'étouffassent.
    Avant que je ne commençasse,
    Je demanderais que vous écoutassiez cette complainte
    Qui est la plus triste de toutes celles que vous ouîtes.

    De mes caresses vous rougîtes,
    Puis ensuite vous les subîtes
    Pourquoi faut-il que d'notr' passion
    À présent nous ricanassions ?
    Tout d'abord vous m'idolâtrâtes,
    Puis avec un autr' vous m'trompâtes
    J' n'aurais pas cru que vous l'pussiez.
    Et qu'mon rival vous l'aimassiez.

    {Refrain:}
    Amer, amer destin du cœur
    Femme légère que vous fûtes
    Vous fîtes hélas pour mon malheur
    Toutes les peines que vous pûtes.

    l fallait que j'vous écrivisse,
    Ou que chaque jour je vous visse
    Pour que vous me soupirassiez
    Les mots dont vous m'baptisassiez.
    Fallait que je m'agenouillasse
    Sans que jamais je reculasse,
    Pour que nous nous adorassions
    Et puis qu'nous nous dégoûtassions,
    Et puis que nous nous plaquassions.

    {Refrain:}
    Amer, amer destin du cœur
    Dans l'amour que vous suscitâtes
    Vous fîtes germer la douleur
    Et ce jour-là, vous m'épatâtes !

    Sans que jamais je marchandasse
    Il fallait que je roucoulasse
    Les vœux que vous incarnassiez
    Et que vous accumulassiez.
    En échange d'vos ch'veux qu'vous m'offrîtes,
    C'est avec joie que vous me prîtes
    Les mèches que vous désirassiez
    Car j'voulus bien que vous m'éméchiez.

    {Refrain:}
    Amer, amer destin du cœur
    Quand un beau jour nous constatâmes
    Qu'nos ch'veux lâchaient nos crânes vainqueurs,
    Dès lors nous nous déplumardâmes

    Vous n'm'aimiez plus, fallait que j'eusse
    Bien des forces pour que je pusse
    Prendre mon cœur sans qu'vous l'retinssiez
    Pour ne pas qu'vous l'abîmassiez.
    Combien de cruautés vous eûtes
    Que de noirs projets vous conçûtes
    Pour que vous m'ensorcelassiez
    Et que vous me poignardassiez.

    {Refrain:}
    Amer, amer destin hélas
    Il fallait que j' vous oubliasse
    Car votre nom, trop m'écervelât
    Pour que jamais vous l'répétasse.

     


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